Oh my Goth !

Publié le par nicolas dumolié

Il avait assisté à un concert de black métal, et avait rencontré une fan gothique. Ils avaient le soir même couché ensemble. Dans son appartement, des crânes dont les orbites vides projetaient une lumière tremblante d’une bougie, qu’elle avait allumé rendant la pièce flottante. Il y avait des statuettes de démons tourmentés dont les mâchoires proéminentes poussaient des cris aveugles, elles étaient toutes finement taillées, leurs angles semblaient vouloir les arracher au néant informe. Ce bestiaire lardait comme le scalpel d’autopsie la vie matérialiste pour projeter dans la fantasmagorie de leur créateur.

Il n’y connaissait rien en culture gothique, on y puisait une imagination qui avait pour source les forces opposées de la raison et du romantisme, qui se retrouvaient dans une vision individualiste du dépassement de toutes les valeurs dans la confusion de leurs contradictions. Il n’y avait de sécurité nulle part, aucune réponse et un questionnement permanent comme les pulsations d’une super nova captés à jamais pendant des millions d’années sous forme d’ondes radio. Une étoile prête à s’effondrer sur elle-même remplacé par un trou noir dont nulle lumière environnante n’échapperait. Le noir avalait la lumière et s’en nourrissait, se chargeant d’une énergie négative plus puissante.

Elle lui avait parlé pendant des heures, elle avait ce pouvoir de le tenir éveillé toute la nuit, en discourant sans complexe sur tous les sujets. Il avait trouvé un double qui se rapprochait de lui par l’assurance que la conscience de la proximité de la mort lui donnait. Elle coupait les raisonnements de Jim en morceaux, et en faisait de bien plus subtils, si tranchants et si affûtés avec une facilité qui le déconcertait. Ce n’était pas l’inconscience de sa jeunesse, ni de l’audace, elle possédait une vision du monde tellement plus solide que lui. Elle avait une image qu’elle assumait complètement, ses goûts aussi.

Sa marginalité assumée comme telle, par choix, lui donnait une intelligence supérieure à Jim qui cherchait à se repérer, perdu dans la brume d’une bataille qu’il avait perdue. Il errait sans force dans un accablement moral cherchant encore à se raccrocher à des valeurs consensuelles, une moraline dont il ne pouvait pas se dépêtrer. Le jugement d’autrui avait trop de pouvoir sur lui. Il comptait plus sur les autres que sur lui-même, c’était pour lui un besoin qui le maintenait dans le rang. Son immobilité rendait son esprit graisseux, il théorisait son propre avachissement. Cette fille vivait en accord avec ce qu’elle pensait, alors que lui partait toujours avec un temps de retard au starter. C’est pour cela qu’il n’avait jamais aimé le sport : surgir c’était avoir l’audace de le faire. Il pouvait apprécier cette audace chez les autres, mais il en était incapable. Prendre le départ était en contradiction avec sa nature plus contemplative.

Il l’avait approché et elle l’accrochait dans sa toile. Il avait rêvé qu’elle et lui accouchaient une grosse araignée, qu’elle pressait le ventre de l’araignée et que des œufs en sortaient par centaines. Dans ce rêve, il était émerveillé de ce spectacle. Il se sentait en confiance avec elle. C’était une vision innocente et terrible. Il pouvait à loisir apprécier l’immatériel et partager cela avec elle. Du moins l’immatériel qui était en fait un confort pour lui, un immatériel qui ne serait pas rien, mais qui produirait un Tout signifiant, ce qu’il pensait être de l’immatériel était l’émiettement sans cesse qu’il opérait dans sa vie.

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