le carnet

Publié le par nicolas dumolié

Le carnet

Ce matin là, le conservateur lui mit les points sur les « i », relevant des inexactitudes flagrantes dans son classement, il le somma de faire preuve de plus de concentration dans son travail. Un historien allemand était présent aussi : « i chen fou ou quoi ? », « non, non, Mr Kraus, c’est un jeune homme qui manque d’une certaine rigueur, il est disert, versatile, c’est regrettable »

« Je ne suis pas si versatile que ça : j’ai juste l’esprit un peu pris en ce moment par des considérations qui me rendent inopérant dans mon travail »

«  Faites m’en part en fin de mâtinée. »

Le conservateur invita Mr Kraus à le suivre dans les magasins où reposaient les documents.

Il entra dans son bureau, et ouvrit la boîte concernant les archives de la clinique. Il y avait des dossiers médicaux, ainsi qu’un carnet de notes manuscrites, qui n’aurait jamais du figurer en tant que pièce administrative. Mais après tout les Archives possédaient bien des manuscrits et des fonds personnels. Et ce carnet était la propriété de son auteur, versée au milieu d’archives publiques. Il l’ouvrit, il faisait penser au journal de bord du Pr Schreber, griffonné hâtivement, l’écriture qui penchait, les mots qui remplissaient entièrement chaque page, avec des tubercules d’idées qui apparaissaient au milieu d’une parole éruptive qu’aucune ponctuation ne semblait ordonner. Les premiers mots étaient d’ailleurs la confession de l’auteur que « je ne m’interromprais jamais avant d’avoir tout dit de tout ce qui se passe ici-bas dans ce monde où la correction doit s’établir parce que sinon je ne parviendrais jamais à faire éclore ce qui au fond de moi me rend si particulier et fait de moi un être unique à qui sans arrêt est retiré la liberté de parole significative pour parler en mon nom propre sans m’arrêter aux considérations oiseuses de ceux qui nous entourent et qui pensent mieux que nous mais qui se taisent et nous laissent dans l’abstraction de nous-même sans possibilité de trouver la voie juste qui permettrait de… » un petit saut comme l’apparition d’une pensée soudaine, soulignée et écrite en gras rageusement « je ne vais pas jouer à celui qui ne sait pas ».

D’autres pièces dans la boîte concernaient la comptabilité interne de l’établissement. En fait ce fonds n’était pas classé du tout.

     Il alluma son poste radio et cherchant des fréquences diffusant de la musique, il tomba sur un entretien d’un médecin spécialisé dans le traitement des pathologies mentales. Il discourait sur les pratiques qu’il jugeait hasardeuses de certains de ses collègues qui administraient des médicaments dont étaient mal reconnues les effets. Louis se livra à son travail, puis se mit à griffonner des notes sur des feuilles volantes.

 

 

 

 

                                                           

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